Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/486

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’on voit sans cesse percer maladroitement dans les écrits des interprètes de la philosophie de l’évolution. En réalité je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas l’exprimer avec les termes de matière et de mouvement de manière à en faire une généralisation dans le genre de celle de l’évolution. Car en considérant ses individus comme des atomes, la croissance de la société est « une intégration de matière accompagnée d’une dissipation de mouvement, pendant laquelle la matière passe d’une homogénéité indéfinie, incohérente, à une hétérogénéité définie, cohérente, et pendant laquelle aussi le mouvement retenu subit une transformation analogue[1]. » Et c’est ainsi qu’on peut établir une analogie entre la vie d’une société et la vie d’un système solaire en s’appuyant sur l’hypothèse nébulaire. De même que la chaleur et la lumière du soleil sont produites par l’aggrégation des atomes développant du mouvement, qui cesse finale ment quand les atomes arrivent à un état d’équilibre ou de repos, et qu’un état d’immobilité s’ensuit, lequel ne peut être rompu que par l’intervention de forces extérieures qui renversent le procédé de l’évolution, et produisent une intégration de mouvement et une dissipation de matière sous forme de gaz, pour développer à nouveau le mouvement par sa condensation ; de même on peut dire que l’aggrégation des individus dans une communauté développe une force qui produit la lumière et la chaleur de la civilisation ; mais quand ce mouvement cesse, et que les éléments composants, les individus, sont arrivés à un état d’équilibre, prenant leurs places fixes, la pétrification se produit, et la rupture de cet état, la diffusion causée par une incursion de barbares, est nécessaire pour que le mouvement recommence et produise une nouvelle civilisation.

Mais les analogies sont dangereuses. Elles déguisent souvent ou cachent la vérité. Et en général elles sont superficielles. Une communauté, puisque ses membres se reproduisent cons-

  1. Définition de l’évolution donnée par Herbert Spencer dans ses Premiers Principes.