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pires morts, non moins que celle des hommes morts. Au lieu qu’un progrès conduise les hommes à des progrès plus grands, chaque civilisation qui, en son temps, a été vigoureuse et progressive comme la nôtre, en est arrivée à s’arrêter d’elle-même. Maintes et maintes fois déjà, l’art a décliné, la science a sombré, la puissance a faibli, la population est devenue plus rare, jus qu’à ce qu’un peuple ayant construit de grands temples et des cités puissantes, détourné des rivières et percé des montagnes, cultivé la terre comme un jardin, et introduit les raffinements les plus exquis dans les affaires minutieuses de la vie, ait décliné au point de n’être plus qu’une tribu barbare ayant même perdu la mémoire de ce qu’avaient fait ses ancêtres, et regardant les fragments, restes de leur grandeur, comme l’œuvre des génies, ou d’une race puissante d’avant le déluge. Cela est si vrai, que lorsque nous pensons au passé, cette décadence semble la loi inexorable à laquelle nous n’avons pas plus espoir d’échapper, que le jeune homme qui « sent la vie circuler dans tous ses membres, » ne peut espérer échapper à la dissolution qui est le destin commun de tous. « O Rome, cela aussi sera un jour ton destin ! » disait Scipion en pleurant sur les ruines de Carthage, et le tableau fait par Macaulay de l’habitant de la Nouvelle Zélande flânant sur une arche brisée du pont de Londres, fait appel à l’imagination de ceux mêmes qui voient des villes naître dans le désert, et qui aident à fonder de nouveaux empires. Et c’est ainsi que lorsque nous érigeons un monument public, nous faisons un trou dans la plus grande pierre d’angle et que nous y scellons soigneusement quelque souvenir de l’événement, en vue du temps où nos cuvres seront des ruines et où nous-mêmes aurons disparu.

Cette alternative de progrès et de décadence de la civilisation, cette rétrogression qui suit toujours la progression, est-elle ou n’est-elle pas le mouvement rhythmique d’une course ascendante (et je crois, bien que je ne veuille pas soulever la question, qu’il serait beaucoup plus difficile qu’on ne le suppose