Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/478

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais, sans s’élever jusqu’aux étoiles, du moment que cette théorie du progrès, qui nous semble si naturelle, à nous qui sommes dans une civilisation avançant, est mise en face du monde entier, elle se heurte contre un fait considérable, contre les civilisations fixes, pétrifiées. Aujourd’hui, la majorité de la race humaine n’a aucune idée du progrès ; la majorité de la race humaine regarde (comme le faisaient encore, il y a quelques générations, nos ancêtres) le passé comme le temps de la perfection humaine. La différence entre le sauvage et l’homme civilisé peut être expliquée d’après la théorie courante en disant que le premier est encore si imparfaitement développé que ce progrès est encore à peine apparent : mais comment, avec la théorie que le progrès humain est le résultat de l’ouvre des causes générales et continues, pouvons-nous expliquer les civilisations qui ont avancé jusqu’à un certain point, puis se sont arrêtées ? On ne peut pas dire de l’Hindou et du Chinois, comme du sauvage, que notre supériorité est le résultat d’une éducation plus longue ; que nous sommes les hommes faits de la nature, tandis qu’ils en sont les enfants. Les Hindous et les Chinois étaient des civilisés alors que nous étions des sauvages. Ils avaient de grandes cités, des gouvernements organisés et puissants, des littératures, des philosophies, des manières polies, un travail très divisé, un grand commerce, une industrie développée, alors que nos ancêtres n’étaient que des barbares errants, vivant dans des huttes et des tentes de peau, aussi peu avancés que les sauvages américains. Mais alors que nous avons progressé de cet état sauvage jusqu’à la civilisation du dix-neuvième siècle, ils sont restés stationnaires. Si le progrès est le résultat de lois fixes, inévitables et éternelles, qui poussent les hommes en avant, comment expliquerons-nous cet arrêt ?

Un des meilleurs interprètes populaires de la philosophie de l’évolution, Walter Bagehot ( Physics and Politics) admet la valeur de cette objection, et essaie d’y répondre comme il suit : la première chose nécessaire pour civiliser l’homme, c’est de