Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/476

Cette page n’a pas encore été corrigée

inventions ; le progrès et la faculté de progresser sont fixés par la transmission héréditaire, et augmentés par la tendance de l’individu le mieux adapté aux circonstances, ou de l’individu le mieux amélioré, à survivre et à se propager parmi les individus, et par la tendance de la tribu, de la nation, ou de la race la mieux adaptée ou la mieux améliorée, à survivre dans la lutte entre les sociétés. Les différences entre l’homme et les animaux, et les différences dans les progrès relatifs des hommes sont aujourd’hui expliquées par cette théorie avec autant d’assurance, et presque aussi généralement, qu’on les expliquait autrefois par la théorie d’une création spéciale et d’une intervention divine. Le résultat pratique de cette théorie est une sorte de fatalisme plein d’espérances, dont la littérature courante’est pleine[1]. D’après cette opinion, le progrès est le résultat de forces qui travaillent lentement, constamment, impitoyablement, à l’élévation de l’homme. La guerre, l’esclavage, la tyrannie, la superstition, la famine, la peste, la misère qui corrompent la civilisation moderne, sont les causes impulsives qui mènent l’homme plus loin, en éliminant les types inférieurs et en conservant les supérieurs ; et la transmission héréditaire est la force par laquelle sont fixés les progrès, et les progrès passés préparent la voie à de nouveaux progrès. L’individu est le résultat de changements imprimés sur une longue série d’individus passés et perpétués par eux, et l’organisation sociale reçoit sa forme des individus dont elle est composée. Ainsi, pendant que

  1. C’est sous la forme demi-scientifiqne ou populaire qu’on peut peut-être voir ce sentiment exprimé d’une manière complète parce qu’elle est franche ; dans Le Martyre de l’homme, par exemple, dont l’auteur Winwood Read, est un écrivain d’une singulière vivacité et puissance. Le livre est en réalité une histoire du progrès, ou plutôt une monographie de ses causes et de ses méthodes, et mérite bien une lecture pour ses tableaux vivants, quelqu’opinion qu’on ait sur la capacité de l’auteur pour les généralisations philosophiques. Le lien entre le sujet et le titre est indiqué par la conclusion : « J’ai donné à l’histoire universelle un titre étrange, mais vrai le Martyre de l’humanité. À chaque génération la race humaine a été torturée afin que ses enfants puissent profiter de ses malheurs. Notre propre prospérité est fondée sur les souffrances du passé. Est-il donc injuste que nous souffrions aussi au profit de ceux qui nous succéderont ? »