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plutôt a donné de la cohérence, à une opinion qui n’est pas d’accord avec les faits.

L’explication vulgaire du progrès est, je crois, assez semblable à l’idée naturellement conçue par le faiseur d’argent, des causes de la distribution inégale de richesse. Sa théorie, s’il en a une, est que l’argent est abondamment produit par ceux qui en ont la volonté et la capacité, et que c’est l’ignorance, la paresse, ou la prodigalité qui font la différence entre le riche et le pauvre. De même, l’explication courante des différences de civilisation fait appel aux différences de capacité. Les races civilisées sont les races supérieures, et le progrès de la civilisation est en raison de cette supériorité ; de même, dans l’opinion du peuple anglais, les victoires anglaises étaient dues à la supériorité naturelle des Anglais sur les Français mangeurs de grenouilles ; de même, jusqu’à ces derniers temps, dans l’opinion du peuple américain, le gouvernement populaire, l’activité d’invention, la grande moyenne de confort, étaient dus à la plus grande « activité de la nation Yankee. »

Et, de même que les doctrines économico-politiques, que nous avons réfutées au commencement, s’harmonisaient avec l’opinion commune des hommes qui voient les capitalistes payant les salaires, et la compétition réduisant les salaires ; de même que la théorie de Malthus s’harmonise avec les préjugés existant chez le riche comme chez le pauvre ; de même l’explication du progrès par une amélioration graduelle d’une race s’harmonise avec l’opinion vulgaire qui explique par des différences de race les différences de civilisation. Elle a donné de la cohérence, a formulé scientifiquement les opinions qui existaient auparavant. Sa propagation merveilleuse, depuis le temps où Darwin pour première fois alarma le monde avec son Origine des Espèces, n’a pas tant été une conquête qu’une assimilation.

L’opinion qui domine aujourd’hui le monde de la pensée est celle-ci : la lutte pour l’existence, en proportion de son intensité, force les hommes à de nouveaux efforts, à de nouvelles