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ce n’est pas la nécessité naturelle de l’activité qui est pénible.

C’est seulement le travail qui ne produit rien, l’effort dont on ne peut pas voir les résultats. Travailler toujours et ne gagner cependant que les choses indispensables à la vie, c’est vraiment dûr ; c’est comme la punition infernale qui consiste à forcer un homme à pomper ou à être noyé, à marcher dans un moulin à marches ou à être écrasé. Mais délivré de ces nécessités, l’homme n’en travaillerait que plus et mieux, car alors il travaillerait selon son inclination ; il ferait vraiment quelque chose pour lui-même et pour les autres. La vie de Humboldt a-t-elle été une vie de paresseux ? Est-ce que Franklin ne trouva pas d’occupation quand il se retira des affaires ayant assez pour vivre ? Herbert Spencer est-il un oisif ? Michel-Ange peignait il pour gagner sa nourriture et ses vêtements ?

Le fait est que le travail qui améliore la condition de l’humanité, qui étend ses connaissances, augmente sa puissance, enrichit la littérature et élève la pensée, n’est pas fait pour assurer la vie matérielle. Ce travail n’est pas le travail d’esclaves conduits à leur tâche par le fouet du maître ou par les besoins animaux. C’est le travail d’hommes qui l’accomplissent pour lui-même, et non parce qu’ils gagneront de quoi manger, boire, porter, dépenser davantage. Dans un état de société où le besoin serait aboli, la somme du travail de ce genre serait considérablement augmentée.

Je suis porté à croire que le résultat de la confiscation de la rente que j’ai proposée, serait, là où de gros capitaux sont nécessaires, l’organisation du travail sous la forme coopérative ; puisque la diffusion plus égale de la richesse unirait le capitaliste et le travailleur dans la même personne. Mais que cela doive ou ne doive pas être, cela a peu d’importance. La dure fatigue du travail routinier disparaîtrait. Les salaires seraient trop élevés et les occasions de travailler trop nombreuses, pour forcer n’importe quel homme à réprimer et à détruire les meilleures de ses facultés, et toujours le cerveau aiderait la main.