Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/463

Cette page n’a pas encore été corrigée

de la part de quelqu’un de prendre plus que son voisin, ni essai de vol. Au contraire chacun est anxieux de servir son voisin avant soi-même ; d’offrir aux autres ce qu’il y a de meilleur et non de le prendre pour soi ; et si l’un des convives montrait la plus petite disposition à faire passer la satisfaction de ses propres appétits avant celle des autres, ou à jouer le rôle de glouton ou de filou, le mépris social et l’ostracisme dont on l’accablerait, montreraient vite combien l’opinion publique réprouve une semblable conduite.

Tout cela est si ordinaire qu’on ne le remarque pas, et que cela semble être l’état naturel des choses. Et cependant il n’est pas plus naturel que ces hommes ne soient pas avides de nourriture, qu’ils ne le soient pas de richesse. Ils sont avides de nourriture quand ils ne sont pas sûrs qu’il y aura une distribution équitable et complète assurant assez à chacun. Mais quand ils sont sûrs que la distribution sera suffisante, ils cessent d’être avides de nourriture. Et c’est ainsi que dans la société telle qu’elle est constituée à présent, les hommes sont avides de richesse parce que les conditions de la distribution sont tellement injustes que, au lieu que chacun soit sûr d’avoir assez, beaucoup sont certains d’être condamnés au besoin. Ce sont les mauvais arrangements sociaux actuels qui sont la cause de cette course à la richesse où l’on foule aux pieds toutes les considérations de justice, de bonté, de religion et de sentiment ; dans laquelle les hommes oublient leurs propres âmes, et luttent jusqu’au bord même du tombeau pour ce qu’ils ne peuvent pas emporter au delà. Mais une distribution équitable de richesse, qui exempterait chacun de la crainte du besoin détruirait l’avidité de la richesse, de même qu’a été détruite dans la société polie l’avidité de nourriture.

Sur les vaisseaux encombrés des premières lignes californiennes, il y avait souvent une différence marquée entre les manières des passagers de seconde classe et ceux des cabines de première. Les deux classes étaient abondamment pourvues