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Et cette force des forces qui aujourd’hui s’évanouit ou prend des formes perverties — nous devons l’employer à affermir, à reconstituer, à ennoblir la société, comme nous employons aujourd’hui les forces physiques qui autrefois ne semblaient être que des pouvoirs destructeurs. Tout ce que nous avons à faire pour cela, c’est de donner carrière et liberté à cette force. L’injustice qui produit l’inégalité ; l’injustice qui fait qu’au milieu de l’abondance des hommes sont torturés par le besoin ou par la crainte du besoin ; qui les empêche de se développer physiquement, les dégrade intellectuellement, détruit en eux toute moralité, empêche seule le développement social harmonieux. Car « tout ce qui vient des dieux est plein de prévoyance. Nous sommes faits pour la coopération comme les pieds, les mains, les sourcils, comme la rangée supérieure et l’inférieure des dents. »

Il y a des gens dans la tête desquels il n’entrera jamais l’idée qu’il pourrait y avoir un état de société meilleur que celui qui existe ; ils s’imaginent que la conception d’une société d’où l’avarice serait bannie, où les prisons seraient vides, où les intérêts personnels seraient subordonnés aux intérêts généraux, et où personne ne chercherait à voler ou à opprimer son voisin, n’est que l’utopie de rêveurs peu pratiques que méprisent cordiale ment ces hommes au cerveau pratique qui s’enorgueillissent de reconnaître les faits tels qu’ils sont. Mais ces hommes – bien que quelques-uns d’entre eux écrivent des livres, quelques-uns occupent des chaires d’université, quelques-uns des chaires ecclésiastiques — ne réfléchissent pas. S’ils avaient l’habitude de dîner dans un de ces restaurants comme on en trouve dans les bas quartiers de Londres et de Paris, où les couteaux et les fourchettes sont rivés aux tables, ils croiraient que c’est la disposition naturelle, indéracinable, chez l’homme, d’enlever le couteau et la fourchette avec lesquels il mange.

Prenez une compagnie d’hommes et de femmes bien nés, dînant ensemble. Il n’y a là ni lutte pour la nourriture, ni essai