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longtemps après avoir accumulé assez de richesses pour satis faire tous les désirs, continuent à travailler, projetant, s’efforçant d’ajouter richesses sur richesses. C’est le désir « d’être quelque chose » et même souvent le désir de faire quelque chose de noble et de généreux, qui les a lancés dans la carrière pour gagner de l’argent. Et ce qui les y fait rester longtemps après avoir satisfait tout besoin, ce qui fait naître en eux cette avidité insatiable, ce n’est pas seulement la force tyrannique de l’habitude, mais les satisfactions plus subtiles que donne la possession de la richesse, le sentiment du pouvoir et de l’influence, le sentiment d’être admiré et respecté, le sentiment que leur richesse ne les élève pas seulement au-dessus du besoin, mais fait d’eux des hommes importants dans la communauté où ils vivent. C’est cela qui fait que l’homme riche a tant de peine à se séparer de son argent, et qu’il désire tant en gagner plus.

Contre des tentations qui font ainsi appel aux impulsions les plus fortes de notre nature, les sanctions de la loi et les préceptes de la religion ne peuvent avoir que peu d’effet ; et s’il est une chose étonnante, ce n’est pas que les hommes soient égoïstes, mais bien qu’ils ne le soient pas plus. Que dans les circonstances actuelles les hommes ne soient pas plus avides, plus infidèles, plus égoïstes qu’ils ne le sont, cela prouve encore la bonté de la nature humaine, l’abondance des sources d’où naissent les qualités morales. Nous avons tous une mère ; beaucoup de nous ont des enfants ; et c’est ainsi que la sincérité, la pureté et le dévouement ne peuvent jamais être entièrement bannis du monde, quelque mauvaise que soit l’organisation sociale.

Mais tout ce qui est puissant pour le mal peut être rendu puissant pour le bien. Le changement que j’ai proposé détruirait les conditions qui détournent de la bonne voie des impulsions bienfaisantes en elles-mêmes, et transformerait les forces qui tendent aujourd’hui à décomposer la société, en forces tendant à l’unir et à la purifier.

Donnez au travail le champ libre et sa rétribution complète ;