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du travail et du capital, irait à l’État, c’est-à-dire à toute la communauté. Aux énormes avantages, matériels et intellectuels, que donne une population dense, s’ajouteraient la liberté et l’égalité qu’on ne peut aujourd’hui trouver que dans les nouveaux districts très peu peuplés.

Et considérez combien cette égalisation dans la distribution de la richesse agirait sur la production, empêchant partout la décadence, accroissant partout la force.

S’il était possible d’exprimer par des chiffres la perte pécuniaire directe que supporte la société à cause des arrangements sociaux défectueux qui condamnent des classes entières à la pauvreté et au vice, l’évaluation serait effrayante. L’Angleterre soutient par la charité officielle un million de pauvres ; la ville de New-York seule dépense plus de sept millions de dollars par an dans le même but. Mais ce que dépensent ainsi l’État, les sociétés charitables ou la charité privée, ne serait rien dans le total général des pertes. Les gains du travail dissipés ; les habitudes d’imprévoyance et de paresse engendrées ; les pertes pécuniaires (pour ne voir que celles-là) dont donnent l’idée les statistiques effrayantes de mortalité, surtout de mortalité infantile parmi les classes pauvres ; la ruine qu’entraînent les cabarets de bas étage qui augmentent à mesure que la pauvreté s’accentue ; les dommages causés par la vermine de la société, née de la pauvreté et de la privation : voleurs, prostitués, mendiants ; l’argent dépensé à garder contre ces derniers la société, c’est de tout cela qu’est composée la somme que la distribution actuelle, injuste et inégale, de la richesse, prend sur la somme totale dont la société devrait jouir, étant donnés les moyens actuels de production. Et notre énumération n’est pas complète. L’ignorance et le vice, le libertinage et l’immoralité engendrés par l’inégalité dans la distribution de la richesse, se manifestent encore dans la stupidité et la corruption du gouvernement ; et le gaspillage des revenus publics, et le gaspillage encore plus grand impliqué dans les abus que l’on trouve dans toutes les fonctions