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la production, l’autre irait à la communauté dans son ensemble, pour être distribuée en bienfaits publics à tous ses membres. Chacun aurait à cette dernière une part égale, le faible comme le fort, le jeune enfant comme le vieil homme décrépit, l’estropié, le boiteux, l’aveugle comme le vigoureux. Et ce ne serait que justice, car, alors que la première part représente le résultat de l’effort individuel dans la production, la seconde représente l’accroissement de pouvoir par lequel la communauté, dans son ensemble, aide les individus.

Ainsi comme le progrès matériel tend à accroître la rente, si la rente était prise par la communauté pour des usages publics, la cause même qui tend aujourd’hui à produire l’inégalité à mesure qu’avance le progrès matériel, produirait alors une égalité de plus en plus grande. Pour bien comprendre cet effet, revenons sur les principes déjà exposés.

Nous avons vu que les salaires et l’intérêt doivent partout être fixés par la ligne de la rente ou limite de culture, c’est-à-dire par la récompense que le travail et le capital peuvent s’assurer sur une terre pour laquelle on ne paie pas de rente ; nous avons vu que la somme totale de richesse que recevront le travail et le capital réunis dans la production, sera la somme de richesse produite (ou plutôt, si nous tenons compte des impôts, la somme nette) moins ce qui est pris comme rente.

Nous avons vu que le progrès matériel, tel qu’il marche aujourd’hui, est accompagné d’une tendance double à l’accroissement de la rente. Ces deux tendances produisent un accroissement de la part de richesse produite qui va à la rente, et une diminution de la part prise comme salaires et intérêt. Mais la première, ou tendance naturelle, qui résulte des lois du développement social, a pour effet d’accroître la rente considérée comme une quantité, sans réduire les salaires et l’intérêt en tant que quantités, en les laissant même s’accroître quantativement. L’autre tendance, qui résulte de l’appropriation injuste de la terre par la propriété privée, a pour effet d’accroître la