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nière si avantageuse d’obtenir le revenu public, comment se fait-il que tous les gouvernements aient recours à tant d’autres taxes ?

La réponse est aisée à faire : l’impôt sur les valeurs foncières est le seul de quelque importance qui ne se divise pas lui-même. Il tombe sur les propriétaires du sol, qui ne peuvent en aucune manière le faire ensuite peser sur quelqu’un d’autre. Une classe nombreuse et puissante est donc directement intéressée à empêcher l’imposition des valeurs foncières et à substituer à cet impôt, pour la formation du revenu nécessaire, les taxes sur d’autres choses ; tout comme les propriétaires anglais, il y a deux siècles, réussirent à établir une excise qui tombait sur les consommateurs, à la place des redevances féodales qui ne tombaient que sur eux.

Un intérêt puissant et défini s’oppose donc à l’imposition des valeurs foncières ; tandis que rien ne s’oppose spécialement aux autres taxes auxquelles ont si largement recours les gouvernements modernes. Les hommes d’État ont exercé leur adresse à inventer des systèmes d’imposition absorbant les salaires du travail et les profits du capital, comme on raconte que le vampire suce jusqu’à la mort le sang de sa victime. Presque toutes les taxes sont en définitive payées par un être indéterminé, le consommateur ; et il les paie d’une manière qui n’attire pas son attention sur ce fait qu’il paie un impôt, il les paie par si petites portions, d’une manière si insidieuse, qu’il ne le remarque pas, et n’est pas dans le cas de s’en plaindre efficacement. Ceux qui paient directement une somme au percepteur sont intéressés, non seulement à ne pas s’opposer à une taxe dont ils se débarrassent si facilement, mais encore très souvent à la soutenir, parce qu’il y a de puissants intérêts qui profitent ou espèrent profiter, de l’accroissement des prix qu’amènent ces taxes.

Presque toutes les taxes qui pèsent aujourd’hui sur le peuple des États-Unis ont été établies plutôt en vue d’intérêts privés,