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présenterait cette manière de taxer chacun suivant ses moyens, il est évident qu’on ne peut pas atteindre la justice de cette manière.

Voilà, par exemple, deux hommes ayant des revenus égaux, l’un ayant une famille nombreuse, et l’autre n’ayant personne à nourrir que lui-même. Les taxes indirectes tomberont très inégalement sur ces deux hommes, parce que l’un ne peut pas éviter les impôts sur la nourriture, les vêtements, etc., consommés par sa famille, tandis que l’autre ne fait que payer les impôts sur les objets qu’il consomme lui-même. Mais supposons que les impôts soient levés directement, et que chacun paie la même somme. Là encore il y aura une injustice. Le revenu de l’un est chargé de nourrir six, huit ou dix personnes ; le revenu de l’autre n’a qu’à entretenir une seule personne. Et, à moins qu’on ne pousse la doctrine de Malthus à ce point extrême où l’on considère l’élevage d’un nouveau citoyen comme nuisant à l’État, il y a là une grosse injustice.

Mais on peut dire qu’il y a là une difficulté insurmontable ; que c’est la nature elle-même qui fait naître les hommes sans ressources et charge leurs parents de les nourrir, donnant à ceux-ci en échange, du plaisir et de grandes récompenses. Très bien, revenons à la nature et lisons dans sa loi les mandats de la justice.

La nature donne au travail et au travail seul. Dans un jardin de l’Éden même, l’homme mourrait de faim sans l’activité humaine. Voici deux hommes ayant des revenus égaux, ceux de l’un venant de l’exercice de son travail, ceux de l’autre venant de la rente de la terre. Est-il juste qu’ils contribuent également aux dépenses de l’État ? Évidemment non. Le revenu de l’un représente la richesse qu’il crée et qu’il ajoute à la richesse générale de l’État ; le revenu de l’autre représente simplement la richesse qu’il prend au stock général sans rien donner en retour. Le droit de l’un à la jouissance de son revenu repose sur la garantie de la nature, qui donne de la richesse au tra-