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salaires doit être limitée par la somme de capital consacrée à l’emploi du travail, et que par conséquent la somme que doivent recevoir individuellement les travailleurs, doit être déterminée par le rapport entre leur nombre et la somme du capital consacrée à leur paiement[1]. Ce raisonnement est juste, et cependant, ainsi que nous l’avons vu, sa conclusion n’est pas d’accord avec les faits. La faute en est donc aux prémisses. Examinons-les.

Je sais bien que la théorie qui fait sortir le salaire du capital, est une des plus fondamentales, une de celles qui semblent les plus solides, de l’économie politique, et que les grands penseurs qui se sont voués à l’éclaircissement de cette science, l’acceptent comme un axiome. Je crois néanmoins qu’on peut démontrer qu’elle est une erreur fondamentale, l’ancêtre fécond d’une longuesuite d’erreurs qui rendent vicieuses bien des conclusions pratiques importantes. Je vais essayer de faire cette démonstration. Il est nécessaire qu’elle soit claire et concluante, car ce n’est pas en un seul paragraphe qu’on peut combattre une doctrine sur laquelle sont fondés tant d’arguments importants, qu’acceptent des autorités incontestées, qui est si plausible en elle-même, et qu’on est exposé à voir se reproduire sous différentes formes.

La proposition que je vais essayer de prouver est celle-ci :

Les salaires, au lieu d’être tirés du capital, sont en réalité pris sur le produit du travail pour lequel on les paie[2].

  1. Par exemple, Mac Culloch (note vi, Richesse des nations) dit : « Cette portion du capital ou richesse d’un pays que ceux qui font travailler ont l’intention de payer en échange du travail, peut être beaucoup plus considérable à une époque qu’à une autre. Mais quelque puisse être son importance absolue, elle forme évidemment la seule source d’où l’on puisse tirer une portion quelconque du salaire du travail. Il n’existe pas d’autre fonds d’où le travailleur, en tant que travailleur, puisse tirer un seul shelling. Il s’ensuit donc, que la moyenne des salaires, ou portion du capital national consacrée au paiement du travail, qui échoit à chaque travailleur doit entièrement dépendre de la somme totale comparée au nombre de ceux parmi lesquels il faut la diviser. » On pourrait prendre dans tous les économistes en renom de semblables citations.
  2. Nous parlons du travail dépensé en production ; pour plus de simplicité, il vaut