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se rappeler que la meilleure partie du continent au point de vue agricole, est déjà occupée, et que c’est la terre la plus pauvre qui reste. On doit se rappeler que ce qui reste renferme les grandes étendues montagneuses, les déserts stériles, les hauts plateaux, bons seulement à faire des pâturages. Et l’on doit se rappeler que beaucoup de ces terres qui figurent sur les livres comme ouvertes à la colonisation, sont des terres non inspectées, qui ont été appropriées ou louées, ce qu’on ne sait que lorsque ces terres sont soumises à l’inspection. La Californie figure sur les livres du Land departement comme le plus grand domaine de l’État, renfermant près de 100,000,000 acres de terre publique, quelque chose comme un douzième du domaine public entier. Et, cependant, cette même étendue est si bien occupée par des concessions de chemin de fer, ou par des établissements du genre de ceux dont je viens de parler ; ou consiste en montagnes incultivables ou en plaines qu’il faudrait irriguer ; ou bien encore est tellement monopolisée par des locations qui commandent l’eau, qu’en fait, il est difficile de désigner à l’émigrant une partie quelconque de l’État où il pourrait prendre une ferme, sur laquelle il pourrait travailler et faire vivre une famille ; si bien que souvent l’émigrant, fatigué de chercher cette ferme, finit par acheter de la terre ou par la prendre à ferme. Ce n’est pas que la terre soit réellement rare en Californie, car, avec son autonomie, la Californie aura un jour une population égale à celle de la France, mais l’appropriation a été plus vite que le colon, et s’arrange pour garder l’avance sur lui.

Il y a douze ou quinze ans, feu le sénateur Ben Wade de l’Ohio a dit, dans un discours au Sénat des États-Unis, qu’à la fin de ce siècle, chaque acre de terre cultivable ordinaire aux États-Unis, vaudrait 50 dollars d’or. Il est déjà clair, que s’il se trompait en quelque chose, c’était en fixant une date trop éloignée. Dans les vingt et une années qui restent encore à passer pour atteindre la fin de ce siècle, si notre population