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ropéen économe et sans ambition en ce fermier de l’Ouest qui est si confiant en lui-même ; il a donné un sentiment de liberté même à l’habitant des cités populeuses, et a fait naître l’espérance même pour ceux qui n’ont jamais pensé à s’y réfugier. En Europe, l’enfant du peuple lorsqu’il arrive à l’âge d’homme trouve au banquet de la vie tous les sièges marqués « retenus, » et il doit lutter avec ses compagnons pour ramasser les miettes qui tombent, sans avoir seulement une chance sur mille de gagner, soit par la force, soit par la ruse, un siège. En Amérique, quelle que soit sa condition, il a toujours le sentiment que le domaine public est derrière lui ; et la connaissance de ce fait, agissant et réagissant, a pénétré notre vie nationale tout entière, lui donnant la générosité et l’indépendance, l’élasticité et l’ambition. Tout ce dont nous sommes fiers dans le caractère américain ; tout ce qui fait nos conditions d’existence et nos institutions meilleures que celles des vieux pays, nous pouvons l’attribuer au fait que la terre a été bon marché aux États-Unis, que les terres nouvelles étaient ouvertes à l’émigrant.

Mais voilà que nous avons atteint le Pacifique. Nous ne pouvons pas aller plus loin à l’ouest, et la population augmentant ne peut maintenant que se répandre au nord et au sud et remplir ce qui a été traversé. Au nord, elle remplit déjà la vallée de la Rivière Rouge, débordant dans celle de la Saskatchewan, et dans le territoire de Washington ; au sud, elle couvre le Texas occidental, et envahit les vallées arables du Nouveau Mexique et d’Arizona.

La République est entrée dans une nouvelle période, période où le monopole de la terre fera sentir rapidement ses effets. Le grand fait qui a été si puissant a cessé d’être. Le domaine public a presque entièrement disparu, dans quelques années, l’influence de son existence, déjà si diminuée, sera détruite. Je ne veux pas dire qu’il n’y aura plus de domaine public. Car, pendant longtemps encore, des millions d’acres de terres publiques seront portés sur les livres du Land departement. Mais on doit