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propriétaires ne prit une grosse part de leurs concessions ; mais l’abondance de la terre empêche l’attention de se fixer sur le monopole que la possession individuelle de la terre, même lorsque les propriétés sont petites, doit impliquer quand la terre devient rare. Et c’est ainsi que la grande république du monde moderne a adopté au début de sa carrière une institution qui a ruiné les républiques de l’antiquité : c’est ainsi que le peuple qui proclame les droits inaliénables de tous les hommes à la vie, à la liberté, à la poursuite du bonheur, a accepté sans hésitation un principe qui, en niant les droits égaux et inaliénables au sol, niait finalement les droits égaux à la vie et à la liberté ; c’est ainsi que le peuple qui, au prix d’une guerre sanglante, a aboli l’esclavage personnel, permet cependant à une forme plus dangereuse et plus générale de l’esclavage, de s’implanter chez lui.

Le continent semblait si grand, l’aire sur laquelle la population pouvait se répandre semblait si vaste, que familiarisés par l’habitude avec l’idée de la propriété privée de la terre, nous n’avons pas compris son injustice essentielle. Car non seulement ce fonds de terre non cultivée, a empêché qu’on ne sente l’effet complet de l’appropriation privée, même dans les districts les plus anciens, mais il a de plus empêché de voir l’injustice de la permission donnée à un homme de prendre plus de terre qu’il ne pouvait en cultiver afin de forcer ceux qui en avaient besoin de lui payer le privilège de l’usage, puisque d’autres à leur tour pouvaient obtenir également plus que leur part en allant plus loin. Bien plus, les fortunes qui sont sorties de l’appropriation de la terre, qui ont donc été bien réellement formées des taxes levées sur les salaires du travail, ont semblé être et ont été déclarées être le prix du travail. Dans tous les nouveaux États, et même le plus souvent dans les anciens, notre aristocratie foncière en est encore à sa première génération. Ceux qui ont bénéficié de l’accroissement de valeur de la terre avaient pour la plupart débuté dans la vie sans un