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hommes qui avaient été habitués à considérer la terre comme justement soumise à la propriété individuelle, et dont probablement pas un sur mille n’avait jamais pensé à faire une distinction entre la propriété de la terre et la propriété de toute autre chose. Mais pour la première fois dans l’histoire de la race anglo-saxonne, ces hommes se trouvèrent en contact avec une terre dont on pouvait tirer de l’or simplement en la lavant.

Si la terre qu’ils allaient ainsi exploiter avait été une terre cultivable, ou à pâture, ou une terre forestière, d’une richesse particulière ; si cette terre avait tiré de sa situation au point de vue des intérêts commerciaux une valeur particulière ; si on avait considéré la force motrice de ses rivières, ou même les mines de charbon, de fer, de plomb qu’elle renferme, ces hommes lui auraient appliqué le système auquel ils étaient accoutumés, et la terre devenue propriété privée aurait été partagée en vastes domaines, comme l’ont été, sans aucune protestation digne de ce nom, les terres pueblo de San-Francisco (celles qui en réalité avaient la plus grande valeur dans l’État) que la loi Espagnole avait mises de côté pour fournir des demeures aux futurs résidents de cette ville. Mais la nouveauté du cas rompit les idées habituelles, rejeta les hommes vers leurs idées primitives ; et d’un commun accord, il fut déclaré que la terre renfermant de l’or resterait propriété commune, que personne ne pourrait en prendre plus qu’il n’en pouvait réellement exploiter, ni la conserver plus que le temps où il l’exploiterait. Cette idée de justice naturelle fut reconnue par le gouvernement général et les cours, et tant que l’exploitation des placers eut de l’importance, on ne fit aucun essai pour contrarier ce retour aux idées primitives. Le titre à la terre resta au gouvernement, et aucun individu ne put acquérir plus que ce qu’il possédait. Dans chaque district les mineurs fixaient la quantité de terrain que pouvait prendre un individu, et la somme de travail qui devait être dépensée pour constituer l’usage de la