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propriétaires d’une taxe qui était une des conditions de leur possession de la terre, pour l’imposer au travail de la nation. Mais ce fut en vain qu’il le dit. L’abbé Sieyès étant un ecclésiastique, on pensa qu’il défendait les intérêts de son ordre, alors qu’en réalité, il défendait les droits de l’homme. Dans ces dîmes, le peuple français aurait pu conserver un important revenu public qui n’aurait pas pris un centime aux salaires du travail ou aux profits du capital.

De même, l’abolition des tenures militaires, en Angleterre, par le Long Parlement, ratifiée après l’avènement de Charles II, et qui eut pour résultat l’appropriation de revenus publics par les propriétaires féodaux, et la suppression de la condition à laquelle les propriétaires tenaient la propriété commune, fut longtemps considérée, et l’est encore dans les livres de loi, comme un des triomphes de l’esprit de liberté. Et cependant, cette abolition est la source de la dette immense et des lourds impôts de l’Angleterre. Si la forme de ces devoirs féodaux avait été simplement changée, mieux adaptée aux temps, jamais les guerres anglaises n’auraient augmenté la dette d’une livre, et le travail et le capital de l’Angleterre n’auraient jamais été taxés d’un centime pour l’entretien de l’armée. Tout cela serait venu de la rente que les propriétaires, depuis ce temps, se sont appropriée — de la taxe que la possession de la terre lève sur les gains du travail et du capital. Les propriétaires de l’Angleterre ont reçu leurs terres à la condition de fournir, même dans les temps de la conquête normande où la population était très clair-semée, au besoin soixante mille cavaliers parfaitement équipés[1], et de payer certains accessoires, certaines amendes qui absorbaient une partie considérable de la rente. Ce serait probablement être au-dessous de la vérité que d’estimer la va-

  1. André Bissett, dans la force des Nations, Londres, 1859, livre suggestif dans lequel il appelait l’attention du peuple anglais sur la mesure par laquelle les propriétaires évitèrent le paiement de leur rente à la nation, conteste l’assertion de Blackstone, disant que le service d’un chevalier n’était que de quarante jours, et soutient qu’il durait tant que cela était nécessaire.