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contribua à détourner l’attention de l’injustice essentielle impliquée dans la propriété privée de la terre ; en même temps, les progrès constants des idées tirées de la loi romaine, qui a été la grande mine, le grand magasin de la jurisprudence moderne, tendaient à niveler la distinction naturelle entre la propriété de la terre et la propriété des autres choses. Donc, avec l’extension de la liberté personnelle, arriva l’extension de la propriété individuelle de la terre.

Le pouvoir politique des barons ne fut pas non plus détruit par la révolte des classes qui devaient sentir nettement l’injustice de la propriété de la terre. De semblables révoltes eurent lieu à plusieurs reprises, mais elles furent toujours réprimées avec de terribles cruautés. Ce qui brisa la puissance des barons, ce fut le développement de classes ouvrières et commerçantes pour lesquelles, entre les salaires et la rente, il n’y avait pas la même relation évidente. Ces classes se développèrent sous un système de guildes, de corporations fermées, qui, comme je l’ai précédemment expliqué en traitant des associations et des monopoles commerciaux, parurent se défendre quelque peu contre l’opération de la loi générale des salaires, et qui se conservaient plus aisément qu’aujourd’hui, où l’amélioration dans les moyens de transport et la diffusion de l’éducation primaire et des nouvelles courantes, rendent tous les jours la population plus mobile. Ces classes ne voyaient pas, et ne voient pas encore, que la tenure de la terre est le fait fondamental qui doit déterminer en dernier ressort les conditions de la vie industrielle, sociale et politique. Et ainsi, la tendance a été d’assimiler l’idée de la propriété de la terre à l’idée de la propriété des choses de production humaine, et on a même fait sur ce point des pas en arrière qui ont été pris et salués pour des pas en avant. L’Assemblée Constituante française, en 1789, croyait balayer un reste de tyrannie en abolissant la dîme, en établissant un impôt général pour l’entretien du clergé. L’abbé Sieyès était seul à dire que l’Assemblée faisait simplement remise aux