Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cinq sixièmes des Îles Britanniques, et la grande majorité du peuple anglais n’a pas d’autre droit au sol de son pays natal que le droit de marcher dans les rues ou sur les routes. On peut bien lui appliquer ces mots d’un tribun romain : « Hommes de Rome, » disait Tibérius Gracchus, « Hommes de Rome, on vous appelle les maîtres du monde, et cependant tous n’avez pas droit à un pied carré de son sol ! Les bêtes sauvages ont leurs repaires, mais les soldats de l’Italie n’ont que l’eau et l’air ! »

Le résultat a peut-être été plus marqué en Angleterre qu’ailleurs, mais on peut observer partout la même tendance, ce sont les circonstances qui, en Angleterre, lui ont permis de se développer plus rapidement.

La raison qui fait que l’extension de l’idée de liberté personnelle a été suivie de l’extension de l’idée de la propriété privée de la terre, c’est que, à mesure que la civilisation progressait, les formes plus grossières de suprématie liée à la propriété de la terre étaient oubliées, ou abolies, ou devenaient moins apparentes, l’attention était détournée des formes les plus insidieuses, mais les plus efficaces, et les propriétaires arrivaient ainsi facilement à mettre la propriété de la terre sur la même base que l’autre propriété.

La croissance du pouvoir national, soit sous la forme de royauté, soit sous forme de gouvernement parlementaire, enleva aux grands seigneurs leur puissance individuelle, leur importance, leurs droits de juridiction, leur pouvoir sur les personnes, il réprima ainsi les abus criants, comme le développement de l’impérialisme romain réprima les cruautés les plus révoltantes de l’esclavage. La désintégration des grandes propriétés féodales, jusqu’au moment où se fit fortement sentir la tendance à la concentration naissant de la tendance moderne à produire sur une large échelle, eut pour résultat d’accroître le nombre des propriétaires, et d’abolir les contraintes par lesquelles les propriétaires, quand la population était disséminée, essayaient de forcer les travailleurs à rester sur leur terre, et