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mais les institutions mêmes par lesquelles la civilisation moderne s’est développée qui prouvent l’universalité et la longue persistance de la reconnaissance du droit commun à l’usage de la terre.

Il y a encore dans nos corps de lois des restes qui ont perdu leur signification, mais qui, comme les restes des anciens communs de l’Angleterre, prouvent la vérité de ce que j’avance. La doctrine (que l’on retrouve aussi dans la loi de Mahomet) qui faisait du souverain, au point de vue théorique, le seul possesseur absolu de la terre, est uniquement née de la reconnaissance du souverain comme le représentant des droits collectifs du peuple ; le droit d’aînesse et la substitution qui existent encore en Angleterre et qui ont existé dans quelques états américains il y a une centaine d’années, ne sont que des formes altérées de ce qui fut jadis le produit de la conception de la terre comme propriété commune. La distinction même faite par la terminologie légale entre la propriété immobilière et la propriété personnelle, n’est qu’un reste de la distinction primitive entre ce qu’on regardait à l’origine comme la propriété commune, et ce qu’on a toujours considéré, d’après sa nature, comme la propriété particulière de l’individu. Et les soins, les formalités qui accompagnent encore le transfert de la terre, ne sont que les restes aujourd’hui inutiles et dépourvus de sens, du consentement cérémonieux, et plus général, qui était autre fois nécessaire pour transférer des droits qu’on regardait comme appartenant, non à un membre, mais à tous les membres d’une famille ou d’une tribu.

La marche générale du développement de la civilisation moderne depuis la période féodale a toujours tendu à la destruction de ces idées primaires et naturelles sur la propriété collective du sol. Bien que cela puisse sembler un paradoxe, il est cependant vrai qu’à mesure que la liberté sortait des liens féodaux, il se développait une tendance à traiter la terre comme une forme de propriété impliquant l’asservissement des classes