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voir et les droits collectifs du peuple entier, était au point de vue féodal le seul possesseur absolu de la terre. Et, bien que la terre fût concédée à un propriétaire individuel, cependant des devoirs étaient impliqués dans sa possession, devoirs par lesquels celui qui avait la jouissance des revenus de la terre était supposé rendre à la richesse publique un équivalent des bénéfices qu’il recevait de la délégation du droit commun.

Dans le régime féodal les terres de la couronne payaient les dépenses publiques qui sont maintenant comprises dans la liste civile ; les terres ecclésiastiques défrayaient les dépenses du culte et de l’instruction, des soins à donner aux malades et aux malheureux, et entretenaient une classe d’hommes qui étaient supposés se dévouer au bien public, et qui s’y dévouaient pour la plupart sans aucun doute ; enfin les tenures militaires pourvoyaient à la défense publique. Dans l’obligation où était le tenancier militaire d’apporter sur le champ de bataille telle force qu’on lui demandait, dans l’aide qu’il devait donner quand le fils aîné du souverain était fait chevalier, quand sa fille se mariait, ou quand le souverain lui-même était fait prisonnier de guerre, il y avait une reconnaissance grossière et inefficace, mais enfin une reconnaissance du fait, évident pour tous les hommes, que la terre est une propriété commune et non individuelle.

Le contrôle du possesseur de la terre allouée ne s’étendit pas d’abord au delà de sa propre vie. Bien que le principe de succession eût rapidement remplacé le principe de sélection, comme cela doit toujours être quand le pouvoir est concentré, cependant la loi féodale ordonnait qu’il y eût toujours un représentant du fief, capable de remplir les devoirs comme de recevoir les bénéfices qui étaient annexés à une grande propriété, devoirs et bénéfices qui n’étaient pas laissés au caprice individuel, mais rigoureusement déterminés d’avance. De là la tutelle et autres institutions féodales. Le droit d’aînesse, et sa conséquence, la substitution, n’étaient pas à l’origine les absurdités qu’ils sont devenus.