Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

priétés ruinèrent la Grèce, comme plus tard « les grandes propriétés ruinèrent l’Italie[1], » et comme le sol, en dépit des avertissements de grands législateurs et de grands hommes d’État, passa finalement entre les mains d’un petit nombre, la population diminua, l’art déclina, l’intelligence fut énervée, et la race dans laquelle l’humanité avait atteint son plus splendide développement, s’avilit et se déshonora de plus en plus.

L’idée de la propriété individuelle et absolue de la terre, que la civilisation moderne tient de Rome, atteignit donc son complet développement dans les temps historiques. Quand la future maîtresse du monde révéla pour la première fois son existence, chaque citoyen avait sa petite pièce de terre, qui était inaliénable, et le domaine général, « la terre à blé qui était de droit public » était livrée à l’usage commun, sans doute par des règles et des coutumes qui assuraient l’égalité, comme pour la marche teutonique, et la commune Suisse. C’est sur ce domaine public, constamment agrandi par la conquête, que les familles patriciennes arrivèrent à tailler leurs grandes propriétés. Ces grandes propriétés, le grand attirant le moindre, finirent, malgré les oppositions temporaires, les lois, les nouvelles divisions, par englober toutes les petites propriétés qui s’ajoutèrent ainsi aux latifundia des très riches, pendant que leurs propriétaires étaient forcés de devenir esclaves, ou de devenir des colons payant une rente, ou étaient conduits dans des provinces étrangères nouvellement conquises, où l’on donnait la terre aux vétérans des légions ; ou bien encore arrivaient à la métropole grossir le nombre des prolétaires qui n’avaient rien à vendre que leurs voix.

Le Césarisme se transformant bientôt en un despotisme effréné et tout oriental, fut le résultat politique inévitable de cet état de choses, et l’empire, même lorsqu’il embrassait le monde, n’était préservé de la dissolution que par la vie plus saine des

  1. Latifundia perdidere Italiam. — Pline.