Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la propriété privée n’est partout née que comme résultat d’une usurpation. Les perceptions primaires et persistantes de l’humanité enseignent que tous ont un droit égal à la terre, et l’opinion que la propriété privée de la terre est nécessaire à la société est un produit de l’ignorance ne regardant pas au delà des environnants immédiats — une idée de formation comparativement moderne, aussi artificielle, aussi peu fondée que celle du droit divin des rois.

Les observations des voyageurs, les recherches des historiens critiques, qui depuis peu de temps, ont tant fait pour reconstruire l’histoire oubliée des peuples, les travaux d’hommes comme Sir Henri Maine, Émile de Laveleye, le professeur Nasse de Bonn, et d’autres, sur le développement des institutions, prouvent que partout où la société humaine s’est formée, on a reconnu le droit commun des hommes à l’usage de la terre, et que nulle part on n’a adopté librement la propriété individuelle sans limite. Au point de vue historique, comme au point de vue moral, la propriété privée de la terre est un vol. Elle n’est nulle part née d’un contrat ; elle ne peut nulle part être attribuée à des idées de justice ou d’utilité ; elle est partout née de la guerre, de la conquête, et de l’usage égoïste que les habiles ont fait de la superstition et de la loi.

Partout où nous pouvons retrouver les traces de l’histoire primitive de la Société, que ce soit en Asie, en Europe, en Afrique, en Amérique ou en Océanie, la terre a toujours été considérée, comme elle doit l’être d’après les relations nécessaires que la vie humaine a avec elle, comme propriété commune, tous les hommes y ayant des droits égaux. C’est-à-dire que tous les membres de la communauté (tous les citoyens dirions-nous) ont des droits égaux à l’usage et à la jouissance de la terre de la communauté. Cette reconnaissance du droit commun à la terre n’empêche pas la pleine reconnaissance du droit particulier et exclusif aux choses qui sont le résultat du travail ; ce droit ne fut pas abandonné quand le développement