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propriété privée de la terre comme la base même de la civilisation, et, si l’on suggère l’idée de la transformation de la terre en propriété commune, considèrent cette idée comme une fantaisie chimérique, qui n’a jamais été et ne sera jamais réalisée, ou comme une proposition tendant à renverser la société de sa base et à la ramener à la barbarie.

S’il était vrai que la terre ait toujours été considérée comme propriété privée, cela ne prouverait pas la justice ou la nécessité de la considérer toujours comme telle, pas plus que l’existence universelle de l’esclavage, qu’on a pu jadis affirmer, ne prouvait la justice ou la nécessité de faire de la chair et du sang humain une propriété.

Il n’y a pas longtemps, la monarchie semblait universelle, et non seulement les rois, mais encore la majorité de leurs sujets, croyaient réellement qu’aucun pays ne pouvait subsister sans un roi. Cependant, pour ne rien dire de l’Amérique, la France aujourd’hui se passe d’un roi ; la reine d’Angleterre et impératrice des Indes, gouverne autant ses royaumes que la figure de bois à l’avant d’un vaisseau dirige sa course, et les autres têtes couronnées de l’Europe sont, métaphoriquement parlant, assises sur des barils de nitro-glycérine.

Il y a un peu plus de cent ans, l’évêque Butler, l’auteur de la fameuse Analogie, déclarait qu’un « gouvernement civil, sans une religion d’État, est un projet chimérique dont il n’y a pas d’exemple. » En disant qu’il n’y en avait pas d’exemple, il avait raison. En ce temps, il n’existait pas et il n’aurait pas été facile de nommer un gouvernement sans une religion d’État quelconque ; cependant, aux États-Unis, nous avons depuis prouvé, par un siècle de pratique, qu’un gouvernement civil peut exister sans une religion d’État.

Si la terre avait toujours et partout été considérée comme propriété privée, cela ne prouverait déjà pas qu’elle doive toujours l’être ; mais de plus, ce n’est pas vrai. Au contraire, le droit commun à la terre a partout été primitivement reconnu,