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Nous verrons plus tard combien ceci est vrai.

Si dans ce chapitre j’ai parlé de justice et d’utilité comme si la justice était une chose et l’utilité une autre, c’est seulement afin de répondre aux objections de ceux qui parlent ainsi. L’utilité la plus haute et la plus vraie est dans la justice.


CHAPITRE IV.

LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE DE LA TERRE, AU POINT DE VUE HISTORIQUE.

Ce qui, plus que toute autre chose, empêche la destruction de l’injustice essentielle de la propriété privée de la terre, et s’oppose à la prise en considération sérieuse de toute proposition tendant à l’abolir, c’est l’habitude mentale qui fait que toute chose ayant longtemps existé semble naturelle et nécessaire.

Nous avons tellement l’habitude de considérer la terre comme propriété privée, nos lois, nos mœurs, nos coutumes la reconnaissent si bien comme telle, que la majorité des gens ne songe pas à mettre la chose en doute, mais regarde la propriété comme nécessaire à l’usage de la terre. On ne conçoit pas, il ne vient même pas à l’esprit de concevoir, une société existant ou possible sans que la terre soit soumise à la propriété privée. Le premier pas vers la culture ou l’amélioration de la terre semble être l’appropriation, et il semble que la terre appartient à l’homme comme lui appartiennent une maison, du bétail, des marchandises, qu’il a aussi pleinement droit de la vendre, de la léguer, de la donner, de l’échanger. La « sainteté de la propriété » a été prêchée si constamment et si efficacement, surtout par ces « conservateurs de l’ancienne barbarie » comme Voltaire appelait les légistes, que bien des gens regardent la