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cheval ou d’une somme d’argent, qui cesse avec l’acte. C’est un vol continu, qui se fait chaque jour, à chaque heure. Ce n’est pas du produit du passé qu’est tirée la rente ; c’est du produit du présent. C’est un impôt levé constamment et continuellement sur le travail. Chaque coup de marteau, de pique, ou de navette, chaque battement de la machine à vapeur, paie son tribut. Cet impôt prend le gain d’hommes qui risquent leur vie sous terre, ou sur les lames blanchissantes de la mer, la juste récompense du capitaliste, et les fruits de l’effort patient de l’inventeur ; il arrache les petits enfants du jeu et de l’école, et les force à travailler avant que leurs os soient formés et leurs muscles développés ; il vole la chaleur à ceux qui ont froid ; la nourriture à ceux qui ont faim ; les médicaments à ceux qui sont malades ; la paix à ceux qui sont inquiets. Il abaisse, abrutit et aigrit. Il presse des familles de huit et dix personnes dans une chambre malpropre ; il fait errer comme des troupes de pourceaux les filles et les garçons ; il remplit les cabarets de ceux qui sont mal chez eux ; il fait de garçons qui pourraient devenir des hommes utiles, des candidats à la prison et au pénitencier ; il remplit les maisons de débauche de filles qui auraient pu connaître les joies pures de la maternité ; il envoie toutes les mauvaises passions rôder dans la société, comme un hiver rigoureux envoie les loups rôder autour des hommes : il obscurcit la foi dans l’âme humaine, et sur l’image d’un créateur juste, miséricordieux, il jette le voile d’un destin dur, aveugle et cruel !

Ce n’est pas simplement un vol dans le passé ; c’est un vol dans le présent, un vol qui prive de leur droit de naissance les enfants qui viennent maintenant au monde ! Pourquoi hésiterions-nous à détruire un pareil système ? Parce que j’ai été volé hier, et avant-hier, et le jour d’avant, est-ce une raison pour que je supporte d’être volé aujourd’hui et demain ? est-ce une raison pour que j’en conclue que le voleur a acquis le droit de me voler ?

Si la terre appartient au peuple, pourquoi continuer à per-