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valeur présente, est un élément. Mais il laisserait, pour l’avenir, une classe en possession de l’énorme avantage qu’elle a maintenant sur les autres. Tout ce qu’on peut dire de ce plan, c’est qu’il vaut peut-être mieux que rien.

On peut parler de plans aussi inefficaces et aussi impraticables là où toute autre proposition plus efficace ne pourrait pas être conçue pour le moment, et leur discussion est le signe que l’extrémité du coin de la vérité commence à pénétrer dans les esprits. Dans la bouche des hommes, la justice se fait humble quand elle commence à protester contre une injustice consacrée par le temps, et nous, les nations parlant anglais, nous portons encore le collier de l’esclavage saxon, nous avons été élevées dans le respect superstitieux des « droits » des propriétaires fonciers, comme l’étaient les anciens Égyptiens à l’égard du crocodile. Mais, quand les temps sont mûrs, les idées se développent, parfois d’abord sous une forme insignifiante. Un jour les députés du Tiers-État se couvrirent quand le roi mit son chapeau. Peu de temps après, la tête du fils de Saint-Louis roulait sur l’échafaud. Le mouvement anti-esclavagiste commença aux États-Unis, par des discours où l’on parlait de donner une compensation aux propriétaires d’esclaves, mais quand quatre millions d’esclaves furent émancipés, les propriétaires ne reçurent aucune compensation et n’en réclamèrent aucune. Et quand le peuple de pays comme l’Angleterre et les États-Unis sera suffisamment convaincu de l’injustice et des désavantages de la propriété individuelle de la terre, pour essayer de la nationaliser, il sera bien près de la nationaliser par un moyen plus direct et plus facile que par l’achat. Il ne songera plus à donner une compensation aux propriétaires de la terre.

Toute inquiétude au sujet des propriétaires de la terre est également injuste. On ne peut expliquer qu’un homme comme John Stuart Mill ait attaché tant d’importance à la question de compensation, et ait simplement prôné la confiscation du futur accroissement de la rente, qu’en se rappelant qu’il acceptait la