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CHAPITRE III.

DROIT DES PROPRIÉTAIRES À UNE COMPENSATION.

En réalité, il n’y a pas moyen d’échapper à cette vérité : il n’y a et il ne peut y avoir aucun titre à la possession exclusive du sol, et la propriété privée de la terre est une injustice pure, hardie et énorme, comme l’esclavage personnel.

La majorité des hommes dans les communautés civilisées ne reconnaissent pas cette vérité, simplement parce qu’ils ne réfléchissent pas. Pour eux, tout ce qui est, est juste, bien qu’on en ait souvent fait remarquer l’injustice, et en général ils sont prêts à crucifier ceux qui attaquent les choses existantes.

Mais il est impossible d’étudier l’économie politique, même comme on l’enseigne aujourd’hui, ou de penser à la production et à la distribution de la richesse, sans voir que la propriété de la terre diffère essentiellement de la propriété des choses produites par l’homme, et que, au point de vue de la justice abstraite, rien ne la justifie.

C’est ce qu’admettent expressément ou tacitement tous les ouvrages importants d’économie politique, mais en général d’une manière vague, par admission ou omission. On détourne le plus souvent l’attention de cette vérité, comme un professeur parlant de morale dans un pays esclavagiste l’aurait fait, au lieu d’examiner soigneusement les droits naturels de l’homme, et on accepte sans commentaire la propriété de la terre, comme un fait existant ; ou l’on suppose qu’elle est nécessaire à l’usage convenable de la terre et à l’existence de l’état civilisé.

L’examen que nous avons fait subir aux faits a prouvé d’une manière concluante que la propriété privée ne peut être justifiée si l’on se place sur le terrain d’utilité, que, au contraire,