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sa souffrance à agir comme ne le feraient pas des bêtes. C’est dans cette pauvreté qui détruit toutes les qualités spéciales de l’homme et de la femme, qui enlève à l’enfance l’innocence et la joie, que vivent les classes ouvrières conduites par une force qui agit sur elles comme une machine impitoyable et irrésistible. Le manufacturier de Boston qui paie les jeunes filles qu’il emploie deux cents l’heure, peut les plaindre, mais, comme elles, il est gouverné par la loi de compétition, il ne peut les payer davantage et faire ses affaires, car le commerce n’est pas mené par le sentiment. Et ainsi, à travers toutes les gradations intermédiaires, jusqu’à ceux qui reçoivent les gains du travail sous forme de rente, sans rien donner en retour, ce sont les lois inexorables de l’offre et de la demande, — puissance avec la quelle il ne faut pas plus se disputer qu’avec les vents et les marées, — qui semblent précipiter les basses classes dans l’esclavage du besoin.

Mais en réalité, la cause qui a produit et doit toujours produire l’esclavage, c’est la monopolisation par quelques-uns de ce que la nature offre à tous.

Notre liberté de parade impliquera nécessairement l’esclavage, aussi longtemps que nous reconnaîtrons la propriété privée de la terre. Jusqu’à ce que cette propriété soit abolie, les déclarations d’indépendance, et les actes d’émancipation seront vains. Aussi longtemps qu’un homme pourra réclamer la propriété exclusive de la terre dont d’autres hommes doivent vivre, l’esclavage existera, et croîtra, et augmentera à mesure que le progrès matériel s’accroîtra !

C’est ce qui arrive dans notre monde civilisé, ainsi que nous l’avons prouvé dans nos chapitres antérieurs. La propriété privée de la terre est la meule inférieure. Le progrès matériel est la meule supérieure. Les classes ouvrières sont broyées entre les deux avec une force de plus en plus grande.