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changea la population de l’ancienne Italie, fit d’une race de hardis agriculteurs, dont les robustes vertus conquirent le monde, une race d’esclaves rampants ; c’est l’appropriation de la terre par leurs chefs qui transforma graduellement les descendants des guerriers Gaulois, Teutons et Huns libres et égaux, en colons et en vilains, les bourgeois indépendants des villages Slavons en paysans grossiers de la Russie, en serfs de la Pologne ; qui institua la féodalité chinoise et japonaise aussi bien que celle d’Europe, et qui fit des hauts chefs de la Polynésie les maîtres absolus de leurs compatriotes. Comment il se fit que les pasteurs et les guerriers Aryens qui, ainsi que nous le montre la philologie comparée, descendent du lieu de naissance commun aux races indo-germaniques, et qui s’établirent dans les terres basses de l’Inde, sont devenus les Hindous suppliants et rampants, le vers sanscrit déjà cité nous l’explique. Les parasols blancs et les éléphants fous d’orgueil du Rajah hindou sont les fleurs de concessions de terre. Et si nous pouvions trouver la clef des archives des civilisations depuis longtemps ensevelies et qui reposent dans les ruines gigantesques du Yucatan et du Guatemala, nous racontant l’orgueil de la classe dirigeante, et le travail non payé auquel étaient condamnées les masses, nous lirions, selon toute probabilité, l’histoire de l’esclavage imposé au peuple par l’appropriation de la terre par le petit nombre, nouvel exemple de cette vérité universelle que ceux qui possèdent la terre sont les maîtres des hommes qui y habitent.

La relation nécessaire entre le travail et la terre, le pouvoir absolu que la possession de la terre donne sur les hommes qui ne peuvent vivre qu’en en faisant usage, expliquent ce qui autrement est inexplicable — la croissance et la persistance d’institutions, de mœurs, et d’idées si profondément contraires au sentiment naturel de liberté et d’égalité.

Quand l’idée de la propriété individuelle, qui s’attache si justement et si naturellement aux choses produites par l’homme, est étendue à la terre, tout le reste est une simple affaire de