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Dans un cas comme dans l’autre un homme sera maître de quatre-vingt-dix-neuf autres, son pouvoir sur eux étant même de vie et de mort, car en leur refusant la permission de vivre sur l’île, il les forcerait à se précipiter à la mer.

Sur une plus large échelle, et à travers des relations plus complexes, la même cause doit opérer de la même manière et avoir le même résultat, un résultat final, l’asservissement des travailleurs, apparaissant à mesure que la pression devient plus forte, et les force à vivre des terres qui sont considérées comme la propriété exclusive de quelques-uns. Prenez un pays où le sol est divisé entre un nombre de propriétaires au lieu d’être entre les mains d’un seul, et dans lequel, comme dans la production moderne, le capitaliste est distinct du travailleur, et où les fabriques et le commerce, dans toutes leurs branches, ont été séparés de l’agriculture. Bien que moins directes et moins évidentes, les relations entre les possesseurs du sol et les travailleurs tendront, avec l’accroissement de population et les améliorations industrielles, à la même autorité absolue d’un côté, et à la même impuissance abjecte de l’autre, comme pour l’île que nous supposions. La rente progressera pendant que les salaires baisseront. Du produit total, le propriétaire prendra une part de plus en plus grande, le travailleur une part de plus en plus petite. À mesure que l’émigration vers les terres meilleur marché deviendra difficile ou impossible, les travailleurs, quel que soit le produit de leurs efforts, seront réduits à ce qui est juste nécessaire pour vivre, et la compétition entre eux les forcera à accepter une condition qui sera virtuellement celle de l’esclavage, bien qu’elle soit décorée des titres et des insignes de la liberté.

Il n’y a rien d’étrange dans le fait que, en dépit de l’énorme accroissement de puissance productive dont ce siècle a été témoin, et qui continue, les salaires du travail dans les couches les plus basses et les plus étendues de l’industrie tendent partout à égaler les salaires de l’esclavage, à être juste assez pour