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La reconnaissance du droit individuel à la propriété de la terre, conduit à cette absurdité manifeste, quand on la pousse à ses dernières limites, — que si un homme pouvait concentrer en lui-même les droits individuels à la terre d’un pays, il pourrait en expulser le reste des habitants ; et que s’il pouvait concentrer les droits individuels à toute la surface du globe, lui seul parmi toute la population fourmillante de la terre, aurait le droit de vivre.

Et ce qui arriverait si cette supposition était une réalité, arrive, à une moindre échelle, dans le fait actuel. Les landlords de la Grande-Bretagne à qui des concessions de terre ont donné les « parasols blancs et les éléphants fous d’orgueil, » ont plusieurs fois expulsé de grands districts, la population native, dont les ancêtres vivaient dans le pays depuis un temps immémorial, l’ont forcée à émigrer, à devenir pauvre, ou à mourir de faim. Dans des espaces incultes du nouvel état de Californie on peut voir les cheminées noircies de maisons dont les colons ont été chassés par la force de lois qui ignorent le droit naturel, et de grandes étendues de terres qui pourraient être peuplées, désolées, parce que la reconnaissance de la propriété exclusive a mis entre les mains d’un homme le pouvoir de défendre à ses semblables de faire usage de cette terre. Les propriétaires, comparativement peu nombreux qui détiennent la surface des Iles Britanniques ne feraient que ce que la loi anglaise leur donne le pouvoir de faire, ou ce que beaucoup d’entre eux ont déjà fait sur une petite échelle, s’ils expulsaient les millions d’Anglais de leurs îles natives. Et cette expulsion par laquelle quelques centaines de mille d’individus en banniraient trente millions de leur pays natal, serait plus frappante, mais ne serait pas plus contraire au droit naturel, que le spectacle que donne aujourd’hui la grande masse du peuple anglais forcée de payer des sommes énormes à un petit nombre d’individus pour avoir le privilège, la permission, de vivre sur la terre, de faire usage de la terre, qu’elle appelle avec tant de tendresse la sienne, que