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producteur le droit de possession et de jouissance exclusive, il ne peut y avoir légitimement possession ou jouissance exclusive d’une chose n’étant pas la production du travail, et la reconnaissance de la propriété privée de la terre est une justice. Car on ne peut jouir du droit au produit du travail sans avoir le droit d’user librement des substances et forces offertes par la nature, et admettre le droit de propriété pour ces choses, c’est nier le droit de propriété pour le produit du travail. Quand les non-producteurs peuvent réclamer comme rente une partie de la richesse créée par les producteurs, le droit des producteurs aux fruits de leur travail se trouve nié par là même.

Ce raisonnement est sans issue. Affirmer qu’un homme peut légitimement réclamer la propriété de son propre travail incorporée en des choses matérielles, c’est nier que personne puisse légitimement prétendre à la propriété exclusive du sol. Affirmer la justice de la propriété de la terre, c’est affirmer une prétention qui n’a pas de justification dans la nature, contre une demande fondée sur l’organisation de l’homme et les lois de l’univers matériel.

Ce qui empêche la disparition de l’injustice de la propriété privée de la terre, c’est l’habitude de comprendre toutes les choses soumises à la propriété dans une seule catégorie, ou, si l’on fait entre elles quelques distinctions, de tirer la ligne suivant la manière peu philosophique des légistes, entre la propriété personnelle et la propriété foncière, ou entre les choses mobilières et les choses immobilières. La vraie et réelle distinction est entre les choses qui sont le produit du travail et les choses qui sont offertes gratuitement par la nature ; ou, pour adopter les termes de l’économie politique, entre la richesse et la terre.

Ces deux classes de choses sont très différentes en essence et en relations, et les classer ensemble sous le nom de propriété, c’est confondre toute pensée, quand nous arrivons à considérer la justice ou l’injustice, le droit ou le préjudice de la propriété.

Une maison et le terrain sur lequel elle s’appuie sont des