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relle. La plume avec laquelle j’écris est légitimement à moi. Aucun autre homme ne peut avec justice la réclamer, car en moi est le titre du producteur qui l’a faite. Elle est devenue mienne, parce qu’elle m’a été transmise par le papetier à qui l’avait transmise l’importateur, qui avait obtenu du fabricant le droit exclusif de la posséder ; le fabricant, par les mêmes procédés d’acquisition, avait obtenu les droits de ceux qui extraient le métal du sol, et l’avait transformé en plume. Donc mon droit exclusif à la propriété de la plume naît du droit naturel de l’individu à faire usage de ses propres facultés.

De plus, ceci est non seulement l’unique source originale d’où sortent toutes les idées de propriété exclusive, — comme le prouve la tendance de l’esprit à y revenir quand on met en question l’idée de la propriété exclusive, et la manière dont se développent les relations sociales, — mais encore c’est nécessairement la seule source. Il ne peut y avoir de titre légitime à la propriété d’une chose, si ce titre ne dérive pas de celui du producteur et ne repose pas sur le droit naturel que l’homme a sur lui-même. Il ne peut y avoir d’autre titre légitime, 1o, parce qu’il n’y a pas d’autre droit naturel d’où puisse venir tout autre titre, et 2o, parce que la reconnaissance de tout autre titre n’est pas d’accord avec celui-ci et le détruit même.

1o En effet, quel autre droit, sauf celui de l’homme sur lui-même, pourrait exister, d’où pourrait dériver le droit à la possession exclusive d’une chose quelconque ? Dans la nature, de quelle autre puissance l’homme est-il revêtu, sauf le pouvoir d’exercer ses propres facultés ? Comment pourrait-il agir d’une autre façon sur les choses matérielles ou sur les autres hommes ? Paralysez les nerfs moteurs, et l’homme n’aura pas plus d’influence externe ou de pouvoir qu’une bûche ou qu’une pierre. De quelle autre chose donc pourrait venir le droit de posséder ou de diriger les choses ? S’il ne vient pas de l’homme lui-même, d’où peut-il venir ? La nature ne reconnaît à l’homme le droit de posséder et de contrôler que comme résultat de son activité.