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Je m’incline devant cet arbitrage, et j’accepte cette épreuve. Si notre examen des causes qui font des salaires bas et du paupérisme les accompagnements du progrès matériel, nous a conduits à une conclusion correcte, notre enquête supportera d’être transportée du terrain économique au terrain éthique, et prouvera qu’une injustice est la source des maux sociaux. Si elle ne le fait pas, elle sera jugée mauvaise. Si elle le fait elle sera définitivement jugée bonne. Si la propriété privée de la terre est juste, le remède que je propose est faux ; si au contraire la propriété privée de la terre est injuste, alors mon remède est le bon.

Qu’est-ce qui constitue la base juste de la propriété ? Qu’est-ce qui donne à un homme le droit de dire d’une chose « Elle est à moi ? » D’où vient le sentiment qui fait que l’homme reconnait son droit exclusif contre le reste du monde ? N’est-ce pas, primitivement, du droit que l’homme a sur lui-même, sur ses propres facultés, sur les fruits de ses propres efforts ? N’est-ce pas ce droit individuel qui naît des faits naturels de l’organisation individuelle et est attesté par eux — le fait que chaque paire particulière de mains obéit à un cerveau particulier et est liée à un estomac particulier ; le fait que chaque homme est un tout défini, cohérent, indépendant, — n’est-ce pas tout cela qui seul justifie la propriété individuelle ? De même qu’un homme s’appartient à lui-même, de même son travail mis sous une forme concrète, lui appartient.

Et pour cette raison, ce que fait ou produit un homme est sa propriété ; il est le maître, contre tout le reste du monde, d’en jouir ou de la détruire, de s’en servir, de l’échanger ou de la donner. Personne ne peut la réclamer à juste titre, et son droit exclusif à en jouir n’implique aucun tort fait à une autre personne. Ainsi à toute chose produite par l’activité humaine, est attaché un titre indiscutable de propriété et de jouissance exclusive, qui est parfaitement d’accord avec la justice, et dont est investi le producteur originel en qui l’a placé la loi natu-