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loi, qui engendrent la démoralisation de l’opinion, et qui mettent une prime sur l’indélicatesse, et une taxe sur la conscience, et produit finalement, à mesure que l’impôt produit son effet, un amoindrissement du désir d’accumuler de la richesse, désir qui est une des forces les plus puissantes poussant au progrès industriel. Si les plans compliqués dans lesquels tout est réglé et où chacun a sa place définie, étaient exécutés, nous aurions un état de société ressemblant à celui de l’ancien Pérou, ou à celui que les Jésuites, à leur éternel honneur, ont institué et si longtemps conservé au Paraguay.

Je ne dirai pas qu’un tel état de société ne soit pas meilleur que celui vers lequel nous tendons, car dans l’ancien Pérou, bien que la production se fît dans des conditions très désavantageuses, par l’absence de fer et d’animaux domestiques, on ne connaissait pas le besoin, et les hommes allaient à leurs travaux en chantant. Mais il est inutile de discuter ce point. Le socialisme n’approchant en aucune façon de cette forme sociale, la société moderne n’y atteindra certainement pas. La seule force qui se soit jamais montrée capable d’y atteindre – une foi religieuse définie et forte – fait défaut et devient chaque jour moins puissante. Nous avons dépassé le socialisme de l’état de tribu et ne pouvons y revenir, excepté par un mouvement rétrograde qui impliquerait anarchie et peut — être barbarie. Nos gouvernements se briseraient dans cet essai, ainsi qu’on l’a déjà vu. Au lieu d’une distribution intelligente de devoirs et de gains, nous aurions la distribution romaine de blé de Sicile, et le démagogue deviendrait bientôt un empereur.

L’idée du socialisme est grande et noble ; et je suis convaincu qu’elle peut être réalisée, mais on ne fabrique pas un nouvel état de société, il faut qu’il croisse. La société est un organisme, ce n’est pas une machine. Elle ne peut vivre que par la vie individuelle de ses parties. Et c’est par le développement libre et naturel de toutes les parties que sera assurée l’harmonie du tout. Tout ce qui est nécessaire à la régénération sociale est