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force péniblement l’attention de tous les côtés, elle n’a cependant pas reçu de solution expliquant tous les faits et indiquant un remède simple et clair. C’est ce que montrent les essais si variés qu’on a faits pour expliquer la crise actuelle. Ils n’accusent pas seulement une divergence entre les notions vulgaires et les théories scientifiques, mais prouvent que l’accord qui pourrait exister entre ceux qui professent les mêmes théories générales, fait absolument défaut sitôt qu’on aborde les questions pratiques, et se change en une véritable anarchie d’opinion. Une haute autorité économique nous a dit que la crise était due à un excès de consommation ; une autre autorité économique nous a dit qu’elle était due à un excès de production ; en même temps d’autres écrivains de réputation dénonçaient comme cause de la crise, tantôt les ravages de la guerre, tantôt l’extension des chemins de fer, tantôt les tentatives faites par les ouvriers pour maintenir les salaires élevés, ou bien encore la démonétisation de l’argent, l’émission du papier, l’augmentation du nombre des machines économiques, l’ouverture de nouvelles routes commerciales plus courtes, etc., etc.

Pendant que les professeurs sont ainsi en désaccord, les idées qu’il y a nécessairement conflit entre le capital et le travail, que les machines sont un mal, que la concurrence peut être restreinte et l’intérêt aboli, qu’on peut créer la richesse par l’émission de l’argent, qu’il est du devoir du gouvernement de fournir du capital ou de fournir du travail, sont en train de faire rapidement leur chemin parmi les masses qui souffrent vivement, et ont clairement conscience d’un tort qu’on leur fait. De telles idées mettent les-grandes masses dépositaires du pouvoir politique suprême à la merci des charlatans et des démagogues, et sont grosses de danger ; mais on ne les combattra heureusement que lorsque l’économie politique pourra donner à la grande question une réponse en rapport avec ses enseignements, et s’imposant d’elle-même à la compréhension des grandes masses humaines.