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une explication du développement inégal de notre civilisation. La grande cause de l’inégalité dans la distribution de la richesse, c’est l’inégalité dans la possession de la terre. La propriété de la terre est le grand fait fondamental qui détermine en dernier ressort la condition sociale, politique, et par conséquent intellectuelle et morale d’un peuple. Et il doit en être ainsi. Car la terre est l’habitation de l’homme, le magasin dans lequel il doit puiser pour satisfaire tous ses besoins, la matière première que doit transformer le travail pour satisfaire à tous ses désirs ; car les produits mêmes de la mer ne peuvent être pris, on ne peut jouir de la lumière du soleil, on ne peut utiliser aucune des forces de la nature, si l’on n’a pas l’usage de la terre et de ses produits. Nous naissons sur la terre, nous vivons d’elle, nous y retournons, nous sommes les enfants du sol comme le brin d’herbe ou la fleur. Enlevez à l’homme tout ce qui appartient à la terre, et il ne sera plus qu’un esprit sans corps. Le progrès matériel ne peut nous débarrasser de notre dépendance de la terre ; il ne peut qu’ajouter à notre pouvoir de tirer de la richesse du sol ; c’est pourquoi, si la terre est monopolisée, ce progrès peut augmenter à l’infini sans que les salaires augmentent, ou que la condition de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, s’améliore. Il ne fait qu’ajouter à la valeur de la terre et au pouvoir que donne sa possession. Partout, dans tous les temps, parmi tous les peuples, la possession de la terre est la base de l’aristocratie, le fondement des grandes fortunes, la source du pouvoir. Comme le disaient les Brahmines, il y a des siècles :

« Les fruits de la terre appartiennent à quiconque la possède en un temps quelconque. Les parasols blancs et les éléphants fous d’orgueil sont les fleurs d’une concession de terre. »