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fait même de sa durée. » La meilleure preuve peut — être de la justesse de cette observation est que, dans les villes où il y a une classe pauvre et une classe criminelle, où les jeunes filles grelottent en cousant pour avoir du pain, où des enfants vêtus de haillons, et à peine nourris, ont la rue pour demeure, on trouve régulièrement de l’argent pour envoyer des missionnaires aux païens ! ce serait risible si ce n’était trop triste. Baal n’étendra plus ses bras hideux ; mais, en terre chrétienne, les mères tueront leurs enfants pour l’argent de l’enterrement ! Et je défie n’importe qui de produire des récits véridiques de la vie sauvage, égalant les descriptions de dégradation qu’on peut trouver dans les documents officiels de pays très civilisés, dans les rapports des commissions sanitaires, ou dans les enquêtes sur la condition des classes ouvrières pauvres.

La simple théorie que j’ai esquissée (si l’on peut appeler théorie ce qui n’est que la simple constatation des rapports les plus évidents) explique la réunion de la pauvreté et de la richesse, des salaires bas et de la grande puissance productive, de la dégradation et de l’élévation, de l’esclavage virtuel et de la liberté politique. Elle harmonise, en les faisant sortir d’une loi générale et inexorable, des faits qui, sans cela, semblent contradictoires, et donne la preuve de la séquence et de la relation de phénomènes qui autrement sont isolés et contradictoires. Elle explique pourquoi l’intérêt et les salaires sont plus élevés dans les nouvelles communautés que dans les anciennes, bien que la production moyenne de richesse, comme la production totale soit moindre. Elle explique pourquoi les améliorations qui accroissent la puissance productive du travail et du capital n’accroissent nullement leur rétribution. Elle explique ce qu’on appelle ordinairement le conflit du travail et du capital, en prouvant qu’en réalité il y a communauté d’intérêt entre les deux. Elle détruit les dernières erreurs du protectionnisme, tout en montrant pourquoi le libre échange ne profite pas aux classes laborieuses. Elle explique pourquoi la misère augmente avec