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fait de lui une partie librement contractante dans ses relations avec la communauté dont il est un membre.

Comparez à ce sauvage, le travailleur placé dans les rangs inférieurs de la société, dont la vie se passe à ne produire qu’une seule chose, ou plus souvent, la partie infinitésimale d’une chose, en dehors de la multiplicité des choses qui constituent la richesse de la société et qui satisfont même les besoins les plus primitifs ; qui non seulement ne peut pas même faire les outils nécessaires pour son travail, mais souvent travaille avec des outils qu’il ne possède pas, qu’il ne peut jamais espérer posséder. Astreint à un travail plus absorbant et plus continu que celui du sauvage, ne gagnant pas par lui plus que ne gagne le sauvage — les simples nécessités de la vie – il perd l’indépendance du sauvage. Non seulement il ne peut appliquer ses propres forces à la satisfaction directe de ses propres désirs, mais encore il est dans l’impossibilité de les appliquer indirectement à la satisfaction de ses besoins. Il est un simple anneau dans la chaîne immense des producteurs et des consommateurs, n’ayant pas même l’espoir de s’en séparer, l’espoir de se mouvoir à moins que la chaîne ne bouge. Plus sa position est mauvaise dans la société, plus il dépend de la société, plus il de vient incapable de rien faire pour lui-même. Le pouvoir même de travailler pour satisfaire ses besoins, n’est pas sous son contrôle, et peut lui être enlevé ou rendu par les actions des autres, ou par des causes générales sur lesquelles il n’a pas plus d’influence qu’il n’en a sur les mouvements du système solaire. On arrive à regarder la malédiction primitive comme une faveur, et les hommes pensent, parlent, crient, font des lois comme le travail manuel monotone était en lui-même un bien et non un mal, un but et non un moyen. Dans de pareilles circonstances, l’homme perd la qualité essentielle de l’humanité, le pouvoir divin de modifier et de contrôler les conditions. Il devient un esclave, une machine, une marchandise, une chose inférieure, sous quelques rapports, à l’animal.