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églises splendides. Dans les rues éclairées par le gaz et surveillées par des sergents de ville, les mendiants attendent les passants, et à l’ombre du collège, de la bibliothèque, du musée, s’assemblent les Huns hideux et les farouches Vandales dont Macaulay a prophétisé la venue.

Ce fait, — ce grand fait que la pauvreté avec toutes ses conséquences apparaît dans les communautés, au moment où se montrent les conditions que le progrès matériel tend à produire, — prouve que les difficultés sociales existant partout où a été atteint un certain degré de progrès, ne viennent pas de circonstances locales, mais sont, d’une façon ou d’une autre, engendrées par le progrès lui-même.

Et, quelque désagréable que ce soit à admettre, il devient à la fin évident que l’accroissement énorme de puissance productrice qui a marqué notre siècle, ne renferme en lui-même rien qui doive détruire la pauvreté, alléger les fardeaux de ceux qui sont forcés de travailler. Il a simplement élargi le golfe qui se pare le riche de Lazare et rendu plus intense la lutte pour l’existence. Les progrès de l’invention ont donné à l’humanité une puissance que l’imagination la plus hardie du siècle dernier n’a même pas pu concevoir. Mais dans les manufactures où les machines économisant le travail ont atteint le dernier degré de perfection, on voit travailler les petits enfants ; partout où ces nouvelles forces sont complètement utilisées, des classes entières d’hommes vivent de charité ou sont dans le cas d’être obligées à un moment donné d’y recourir ; au milieu des plus grandes accumulations de richesses, il y a des hommes qui meurent de faim et des enfants chétifs que leurs mères ne peuvent nourrir ; et partout la passion du gain, le culte de la richesse prouvent la force de la crainte de manquer. La terre promise fuit devant nous comme un mirage. Les fruits de l’arbre de la science sont comme les pommes de Sodome qui tombent en poussière quand on les saisit.

Il est vrai que la richesse a considérablement augmenté, et