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Mais l’invasion attendue des émigrants ne se produisit pas. Le travail et le capital ne pouvaient pas payer la terre si cher et en tirer un revenu convenable. La production fut arrêtée, si non absolument, du moins relativement. À mesure que le chemin de fer qui traversait le continent s’avançait, au lieu de voir l’activité augmenter, on constatait des symptômes de commencement de paralysie industrielle ; et quand il fut terminé, à la période d’activité avait succédé une période de crise, qui n’est pas complètement traversée, et pendant laquelle les salaires et l’intérêt ont constamment décru. Ce que j’ai appelé la ligne actuelle de la rente, ou la limite de culture, s’approche ainsi (à cause encore de la marche constante du progrès de l’invention et de l’accroissement de population qui, bien que plus lents qu’ils n’auraient été autrement, se produisaient quand même) de la ligne de spéculation de la rente, mais on connaît avec quelle ténacité la spéculation maintient une augmentation produite par elle sur le prix de la terre, dans une communauté en voie de développement[1].

La même chose se passe dans toute partie progressant des États-Unis. Partout où l’on a construit ou projeté un chemin de fer, la terre a été monopolisée par anticipation, et le bénéfice de l’amélioration escompté par un accroissement des valeurs foncières. Le progrès spéculatif de la rente dépassant ainsi le progrès normal, la production s’est trouvée entravée, la demande a diminué, et le travail et le capital se sont détournés des occupations se rapportant directement à la terre, pour s’appliquer à celles où la valeur de la terre est un élément moins

  1. Il est étonnant de voir combien dans un pays neuf, donnant de grandes espérances, les prix créés par la spéculation sur la terre, se soutiennent. On en entend souvent dire : « Il n’y a pas de marché pour les biens immeubles ; vous ne pourrez les vendre à aucun prix ; » et cependant si vous voulez acheter une terre, à moins que vous ne trouviez quelqu’un absolument forcé de vendre, vous êtes obligé de payer le prix qui prévaut quand la spéculation est dans son plein. Car les propriétaires, croyant que les valeurs foncières doivent finir par monter, gardent leur bien aussi longtemps qu’ils le peuvent.