Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

besoins et les souffrances de la classe ouvrière. Tout ce que ces mots « des temps difficiles » expriment de tristesse, de souffrance sourde, d’angoisse aiguë et violente, pour de grandes masses d’hommes, semble affliger le monde aujourd’hui. Cet état de chose commun à des sociétés différant complètement de situation, d’institutions politiques, d’organisation fiscale et financière, de densité de population, ne peut guère être expliqué par des causes locales. Il y a de la misère dans les pays qui entretiennent de grandes armées effectives ; mais il en existe de même dans les pays où ces masses armées ne sont que nominales. Il y a de la misère dans les contrées où des tarifs protecteurs entravent stupidement et ruinent le commerce ; mais il en est de même là où le commerce est presque libre ; dans les pays où le gouvernement est encore autocratique, la misère est grande, mais elle est égale dans ceux où le pouvoir politique est entièrement aux mains du peuple ; dans les contrées où l’argent est du papier, comme dans celles où l’or et l’argent ont seuls cours, toujours on retrouve la même misère. Évidemment à cet état général des choses nous devons découvrir une cause commune.

On fait plus que supposer qu’il y a là une cause commune, qu’il faut chercher soit dans ce que nous appelons le progrès matériel, soit dans quelque chose d’intimement lié avec le progrès matériel, quand on observe que les phénomènes que nous classons ensemble et dont nous parlons comme d’une crise industrielle, ne sont que les phénomènes portés à l’extrême, qui accompagnent toujours le progrès matériel, et qui se dévoilent plus nettement à mesure que le progrès matériel augmente. Là où les conditions auxquelles tend toujours et partout le progrès matériel, se réalisent le mieux, — c’est-à-dire là où la population est la plus dense, où la richesse est la plus grande, où les moyens de production et d’échange sont le plus développés, – nous trouvons aussi la pauvreté la plus extrême, la lutte pour l’existence sous sa forme la plus rude, et l’oisiveté forcée la plus grande.