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PROGRÈS ET PAUVRETÉ


INTRODUCTION


Bâtissez, bâtissez ! Vous n’y entrerez pas, vous
Semblables aux tribus que le désert dévore ;
Loin de la terre promise vous vous flétrissez et mourez,
Avant que sa verdure brille devant vos yeux fatigués.

Mrs Sigourney.

LE PROBLÈME

Le XIXe siècle a été marqué par un accroissement prodigieux de puissance productrice de richesse. L’utilisation de la vapeur et de l’électricité, les progrès apportés dans les moyens de produire économiquement le travail, la grande subdivision et la grande échelle de production, les facilités énormes apportées aux échanges, ont multiplié l’efficacité du travail.

Au début de cette ère merveilleuse, il était naturel de s’attendre, et on s’attendait, à ce que des inventions économisant le travail diminueraient la peine et amélioreraient la condition de l’ouvrier ; à ce que l’énorme accroissement de puissance productrice de richesse ferait de la vraie pauvreté une chose de l’ancien temps. Si un homme du siècle dernier, un Franklin ou un Priestley, avait vu, dans une vision, le bateau à vapeur prenant la place du bateau à voile, la locomotive celle de la voiture, la moissonneuse celle de la faucille, la batteuse celle du fléau ; s’il avait entendu le bruit des machines qui, obéissant à la volonté humaine et satisfaisant les désirs humains, ont une puissance plus grande que celle de tous les hommes et les bêtes de somme réunis ; s’il avait vu les arbres des forêts transformés en bois travaillés, en portes, châssis, volets, boîtes ou barils,