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restent bas parce que la rente augmente, c’est dire qu’un bateau à vapeur se meut parce que ses roues tournent. La question, qu’est-ce qui fait augmenter la rente ? naît aussitôt. Quelle est la force ou la nécessité qui, lorsque la puissance productive augmente, distribue une part de plus en plus grande du produit comme rente ?

La seule cause citée par Ricardo de ce progrès de la rente, est l’accroissement de population qui, en nécessitant de plus grandes provisions de nourriture, force l’application de la culture aux terres de qualité inférieure, ou aux points des terres déjà cultivées produisant moins ; et dans les ouvrages d’autres auteurs, on appelle si exclusivement l’attention sur l’extension de la production des terres supérieures aux terres inférieures comme étant la cause du progrès de la rente, que M. Carey ( suivi par le professeur Perry et par d’autres) s’est imaginé qu’il avait renversé la théorie de la rente de Ricardo en niant que la marche de l’agriculture soit un passage des terres les meilleures aux plus mauvaises[1].

Bien qu’il soit sans aucun doute vrai que l’accroissement de population, qui force à exploiter des points inférieurs de production, élèvera la rente et doit l’élever, je ne pense pas que toutes les déductions qu’on tire ordinairement de ce principe, soient valides, ni que le principe explique complètement l’accroissement de la rente qui se produit avec le progrès matériel.

  1. À propos de ceci, il est peut-être utile de dire : — 1 ° Que le fait général, tel qu’on le retrouve dans la marche de l’agriculture dans les nouvaux États de l’Union et dans le caractère des terres laissées de côté dans les anciens, prouve bien qu’on commence par cultiver les bonnes terres avant celles qui sont plus mauvaises. 2° Que, la culture allant des terres absolument meilleures, aux terres absolument mauvaises, ou vice versa (et tout indique que les mots meilleurs ou pires sont ici simplement relatifs, vu l’état de la science, et que des progrès futurs pourront dé couvrir des qualités compensatrices dans des parties de terres estimées aujourd’hui stériles), il est dans la nature de l’esprit humain de tendre et on tendra toujours à commencer par cultiver les terres paraissant meilleures, dans les conditions exis tantes, avant de cultiver les terres les moins bonnes. 3° Que la loi de Ricardo ne dépend pas de la direction dans laquelle se produit l’extension de culture, mais de cette proposition : si une terre d’une certaine qualité rapporte quelque chose, une terre de meilleure qualité rapportera plus.