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ferme pour lui-même. C’est seulement lorsque la terre est monopolisée, et que les forces et substances naturelles sont fermées au travail, que les ouvriers sont obligés de se faire concurrence pour obtenir du travail, et que le fermier peut louer des bras pour faire son ouvrage, pendant qu’il vit lui-même sur la différence entre ce que produit leur travail et ce qu’il leur paie pour ce travail.

Adam Smith lui-même entrevit la cause des salaires élevés dans les pays où la terre est aux nouveaux occupants ; mais il n’apprécia pas l’importance du fait ni sa liaison avec d’autres. En traitant des causes de la prospérité dans les nouvelles colonies (chap. vii, livre IV, Richesse des Nations) il dit :

« Chaque colon obtient plus de terre qu’il ne peut en cultiver. Il n’a pas de rente, presque pas d’impôts à payer…… Il est donc pressé de réunir des ouvriers et les paie généreusement. Mais ces gages généreux, joints à l’abondance et au bon marché de la terre, font que ces ouvriers le quittent pour devenir propriétaires de terres eux-mêmes, et pour récompenser avec la même libéralité d’autres ouvriers qui les quitteront bientôt comme ils ont eux-mêmes quitté leurs premiers maîtres. »

Ce chapitre contient plusieurs passages qui, comme le commencement du chapitre sur les salaires du travail, prouvent qu’Adam Smith n’a été empêché d’apprécier les vraies lois de la distribution de la richesse que parce qu’au lieu de chercher ses premiers principes dans les sociétés primitives, il les prit dans les manifestations sociales complexes, où il était aveuglé par une théorie pré-acceptée des fonctions du capital, et à ce qu’il me semble, par une vague acceptation de la doctrine que Malthus formula deux ans après sa mort. Et il est impossible de lire les ouvrages des économistes qui depuis Smith ont essayé d’édifier et d’éclaircir la science de l’économie politique, sans voir combien de fois ils ont rencontré par hasard la loi des salaires, sans la formuler nettement une seule fois. Cependant « si c’était un chien il les aurait mordu ! » En réalité il est dif-