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Toute analyse prouvera que bien des profits qui, dans la pensée du plus grand nombre, sont confondus avec l’intérêt, vienent en réalité, non de la puissance du capital, mais de la puissance des capitaux concentrés, ou des capitaux concentrés agissant sur une mauvaise organisation sociale. Elle montrera aussi que les profits qui sont nettement et réellement les salaires de la surveillance, sont très fréquemment confondus avec les gains du capital.

De même on confond souvent avec l’intérêt les profits qu’amènent les risques à courir. Quelques personnes acquièrent des richesses en courant des chances qui, pour la majorité des gens, amèneraient des pertes. Quelques formes de spéculation sont de ce genre, surtout les jeux de bourse. La décision, le jugement, le savoir faire, la possession d’un capital, sont, dans les formes inférieures du jeu, pour l’escroc ou l’agioteur, des avantages individuels ; mais il ne faut pas oublier qu’à la table de jeu, ce que l’un gagne, l’autre doit le perdre. Et en examinant les grandes fortunes qu’on cite souvent comme des exemples de pouvoir d’accumulation du capital, — les ducs de Westminster, les marquis de Bute, les Rothschild, Astor, Stewart, Vanderbilt, Gould, Stanford, et Flood, — on voit de suite qu’elles ont été édifiées en plus ou moins grande partie, non sur l’intérêt, mais sur les genres de spéculation que nous venons de passer en revue.

Il était nécessaire d’appeler l’attention sur ces distinctions ; les discussions courantes qui, suivant le point de départ, font les choses blanches ou noires, le prouvent bien. D’un côté on nous engage à voir dans l’existence de la pauvreté profonde à côté des grandes accumulations de richesses, l’hostilité du capital contre le travail ; de l’autre on nous dit que le capital aide le travail, et on nous demande d’en conclure qu’il n’y a rien d’injuste, rien que de naturel dans le golfe si large qui sépare le riche du pauvre ; que la richesse n’est que la récompense du travail, de l’intelligence, de l’économie ; et que la pauvreté n’est