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toujours heureux. Prenons l’exemple si souvent cité de Bastiat. Un charpentier, Jacques, au prix de dix jours de travail, se fait un rabot qui durera pendant 290 jours sur les 300 jours ouvrables de l’année. Guillaume, un autre charpentier propose d’emprunter le rabot pour un an, offrant de donner en retour, à la fin du temps convenu, quand le rabot sera hors de service, un nouveau rabot également bon. Jacques objecte à cette proposition que si au bout du temps il ne doit recevoir qu’un nouveau rabot il n’aura rien pour compenser la perte de l’avantage que lui aurait donné l’usage du rabot pendant l’année. Guillaume admettant cela convient de rendre non seulement le rabot, mais en plus de donner une planche neuve. L’accord est conclu en ces termes à la satisfaction de chacun. Le rabot est usé dans l’année, mais à la fin Jacques en reçoit un neuf et une planche avec. Il prête le nouveau rabot, et ainsi de suite, jusqu’au jour où il laisse un rabot à son fils « qui continue à le prêter, » recevant chaque fois une planche. On dit que cette planche qui représente l’intérêt, est une rémunération naturelle et équitable, puisque en la donnant en rétribution de l’usage du rabot, Guillaume « obtient la faculté qui existe dans l’instrument, d’augmenter la productivité du travail » et n’est pas plus mal dans ses affaires que s’il n’avait pas emprunté le rabot ; tandis que Jacques n’obtient pas plus que s’il avait conservé et employé le rabot au lieu de le prêter.

En est-il réellement ainsi ? Il faut observer qu’on n’affirme pas que Jacques puisse faire le rabot et que Guillaume ne puisse pas, car ce serait faire de la planche la récompense d’une adresse supérieure. On dit seulement que Jacques s’est abstenu de consommer le résultat de son travail jusqu’au moment où il l’a eu accumulé sous forme de rabot, ce qui est l’idée essentielle du capital.

D’un autre côté, si Jacques n’avait pas prêté son rabot il s’en serait servi pendant 290 jours, l’aurait mis hors d’usage et aurait été obligé de prendre les dix jours restant de l’année ou-